Un « radis bleu », c’est une éphéméride littéraire qui formellement peut aller de l’aphorisme ciselé à la page composée idéalement de trois paragraphes, balancée comme un syllogisme. Le fait est que relire et lire l’auteur à présent qu’il est mort depuis quatre ans n’a plus le même goût, dans le sens où la noirceur qu’il évoque et qui irradiait un côté vachard, insolent et narquois de son vivant a perdu de son ironie. Lui qui a tellement bravé la camarde se trouve à terre pour le compte. Et l’écriture qu’il maniait avec tant d’élégance ne lui sert plus de piège subtil contre le malheur. Cela fait d’autant plus mal de le relire aujourd’hui. Il s’est trompé cependant sur la certitude que son œuvre verserait aussitôt dans l’oubli au lendemain de sa disparition. ... « de notre petite vérité, il ne restera rien ; nulle part. » Puisque fort heureusement ce volume où sont consignés 365 radis bleus constitue bien la preuve du contraire et offre une formidable botte de mini-pamphlets à déguster chaque jour de l’année. Ces écrits « datés » du saint du jour sont en réalité pour la plupart intemporels. Rares sont ceux qui s’appuient sur un phénomène saisonnier ou une actualité du moment. Ce qui ne fait qu’accroître l’impression immédiate de « petit bijou » à la lecture de chaque texte.
L’écriture de PAG en effet devenait classique au fur et à mesure de son jaillissement. Il y demeure un côté désuet et charmant, comme s’il en était resté au XIXème siècle, ainsi ne sont évoqués que « carriole » et « charrette » pour tout moyen de transport. Et sa poésie revêtait instantanément cette même patine due au temps, ce qui lui conférait justesse et rigueur d’équilibre, alors que le propos grinçant, précipité lourd d’humour noir, demeure éminemment moderne dans ses effets caustiques. Toute son œuvre est inscrite en pointillés dans ce premier opus. On peut y relever les titres qui couronneront plus tard ses livres de poche. Comme des départs de pistes, ou germes de volumes plus importants. « L’éternité n’est qu’un leurre » est-il écrit d’abord, et plus loin, le titre lui-même... :« L’éternité est inutile » ; Ou bien « …tout est toujours raté » pour « Toute une vie bien ratée »… par exemple. Des phrases d’orfèvre comme « Toute la nuit cent mille réveille-matin ont marmité à gros bouillons dans ma tête pour mieux m’empêcher de dormir »… ou encore : « …on a chiné des bribes de souvenirs aux brocantes de l’aube… » montrent bien la qualité de prosateur alliée à l’inventivité du poète, pour lequel il écrivait ce paradoxe génial et pertinent qui lui convient parfaitement : « Le poète bricole dans l’essentiel. » © Jacmo in http://revue-texture.fr/les-lectures-de-jacmo-2018.html#pag La section commentaire est fermée.
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