Comme son père devenu alcoolique, un chibani*dont le métier était terrassier et qui reconstruisait dans ce nouveau pays devenu alors le sien, les villes bombardées de France, Saïd Mohamed, lui, aussi a appris à creuser, à malaxer dans la veine, au cœur des mots ; il construit des tranchées parmi les étoiles pour nous offrir un ciel lumineux dans la noirceur de la nuit. Son recueil « Toit d’étoiles » nous lance en brassées généreuses ces étoiles qui nous suivent et que nous rejoindrons tous un jour, destinés que nous sommes à la lumière stellaire, dans le requiem le plus triste naît l’intensité de nos destins, nous sommes voués à embrasser ces astres ad infinitum. A l’Etoile du Sud, le bar où on fait et défait les rêves, dans cette gloire de vouloir n’être rien où se déploie le fiel du recommencement, ou cette « putain d’étoile » à laquelle croit chacun de ces infortunés cachés sous les essieux du train qui file dans les ténèbres, passagers clandestins, frères d’infortune dont les corps sont rejetés par les flots ; cette fin silencieuse noyée dans les vagues de ceux qui ont cru à leur bonne étoile. Toutes ces étoiles racontées par Saïd Mohamed, cette quête d’infini qui se broie dans la noirceur du monde et brille d’un éclat étrange. Un subtil mélange dans ces voix superposées qui récitent les poèmes de l’auteur « mosaïque », parce c’est bien ce que nous offre la vie de Saïd Mohamed ; une mosaïque sublime de clair-obscur et qui rappelle les destins croisés de celui qui parcourt le monde, de celui qui dans la richesse de ses mots nous fait découvrir de nouveaux rivages. Mais celui qui sait aussi donner de la voix aux sans-voix, aux exclus, aux opprimés du monde, à ceux devenus fantômes; les voix de la résilience. Bravo à Saïd Mohamed pour son Prix Coup de cœur Charles Cros 2018 et à tous les musiciens de l’ensemble Dounia qui ont accompagné ses textes et à Karinn Helbert cristaliste à la carrière déjà bien remplie qui a joué de cet instrument si rare qu’est le cristal Baschet et en a assuré la direction artistique. Le CD a été soutenu entre autres par la Factorie, maison de la poésie de Normandie, les éditions les Carnets du Dessert de lune son éditeur belge, et la compagnie coquelicot qui est la compagnie de Karinn Helbert. ©Djemaa Chraiti * chibani - Travailleurs maghrébins venus en France entre 1945-1975. En arabe signifie "sages, vieux, vieillards", "ceux qui ont les cheveux blancs"
http://www.charlescros.org/ Liens sur l’auteur via le blog de Mustafa Harzoune : Tao du migrant http://letaodumigrant.hautetfort.com/mohamed-said La section commentaire est fermée.
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