Les Carnets du Dessert de Lune

  • Les livres
  • Les Auteurs
  • Les Illustrateurs
  • Passer Commande
  • À propos
    • Le Blog
  • Les livres
  • Les Auteurs
  • Les Illustrateurs
  • Passer Commande
  • À propos
    • Le Blog

Les Carnets
du Dessert de Lune

C'est pour "Sans Abuelo Petite"

2/1/2018

 

Hervé Martin d’Igny, revue Europe


Cécile Guivarch est née près de Rouen en 1976 d’une mère d’origine espagnole et d’un père normand. Partagée entre la langue française et le castillan, la poète ne cesse d’éclairer les zones d’ombres qui la hantent. Depuis Terre à ciels, son premier livre, une douzaine de titres ont paru à ce jour. Après Coups portés (Publie net), René, en elle (Editions Henry) ou encore Un peu d’herbes et des bruits d’amour (L’Arbre à paroles) elle creuse avec avidité et détermination son territoire généalogique.

Mêlant sur une même page proses et poèmes séparés par le blanc tel un espace mesurant l’éloignement et l’oubli, Cécile Guivarch questionne dans ce nouveau livre l'histoire d’un aïeul exilé. Après les tout premiers feuillets, un texte en prose donne voix à l’enfant qu’elle fut à 9 ans :

« Ma mère parle. Elle raconte les histoires de son enfance. Ou celle de sa grand-mère et de son arrière-grand-mère aussi. Elle dit. Elle transmet. Mémoire de l’une à l’autre. Des unes aux autres. J’écoute. »

La mémoire qui déroule son récit prend largement ses sources à cette époque-là. Le livre résonne de voix multiples qui tentent dans leurs échos d’éclairer le canevas familial et intime.

La poésie de Cécile Guivarch est nourrie par la mémoire et l’invention. Elle procède de remémorations et de la re-création qui s’ensuit. « Si j’écris par bribes cela s’accole au fur et à mesure. L’histoire ne vient pas d’un seul morceau mais par petites touches… ». Comme dans ses livres précédents, elle montre une empathie profonde à l’égard des oubliés emportés par l’histoire et l’exil contraint.

« Même les oiseaux se taisaient.
Les uns les bouches pleines de terre,
disparaissaient dans de grandes fosses.
Les autres ne pouvaient pas rester.  »


Il est question ici du grand-père parti pour Cuba comme tant d'espagnols à la fin de la Guerre civile. L’auteure s’approche au plus près de cet Abuelo, ce grand père putatif, dont elle apprendra de sa mère le récit véritable. L’approcher au plus près en imaginant son périple jusqu’à sa nouvelle terre, évoquer ses douleurs, ses peines et ses regrets : c’est la façon de Cécile Guivarch de montrer son affection et sa fidélité au grand-père. Elle puise dans ses souvenirs et dans ceux de sa mère la matière qui édifiera sa propre mémoire du pays perdu et de cet exilé, Abuelo  exhumé dans la longue correspondance qu’il échangea avec la grand-mère de l’auteure.

« Alors tu poses les mains sur la table, tu écris.
Des centaines de lettres.
Tu lui dis que tu l’aimes que tu ne l’as pas oubliée. »


Elle y trouve ce qui remue profondément son être, cet amour vécu dans la séparation à des miles marins de distance.

« Ma grand-mère t’a aimé sa vie entière.
Tu te vois encore lui dire au revoir.
Les yeux ne se regardaient pas.
Les larmes ne pouvaient pas venir. »


Avec les souvenirs de l’enfant qui a une compréhension très littérale de ce qu’elle entend, tout autant sinon plus que l’histoire des siens, c’est aussi une distorsion de la réalité qui surgit comme une équivoque.  La langue est ici au cœur de la saga familiale.

« Une barrière de langue.  Nous ne vivons pas sur la même bande de terre. Mais nous sommes de la même lignée. »

Pour Cécile Guivarch, la langue première est celle reçue de la mère. Elle est transmise par le corps vibrant de la voix maternelle et demeure par atavisme dans l’être toute la vie.

« L’autre langue est la plus ancienne. Elle remue dans les veines depuis longtemps avant la naissance, nourrie par le cordon ombilical. »

L’écriture travaille aussi la disparition. Celle des corps dans la mort, des enfants dans l’exil, de la langue dans l’oubli.

« Les mères ne savaient pas leurs enfants disparus.
Elles continuaient de les chercher les nuits de pleines lunes.
Elles attendaient des années après.
Les lettres s’égaraient, personne ne les écrivait.  »


Mais Cécile Guivarch  ne cède pas à la désillusion et recherche des lieux et des liens perdus qui prouveraient que tout demeure vivant dans la mémoire. C’est aussi le deuil qui est présent dans ce livre, celui d’un grand-père perdu dans un récit familial revu à l’aune de la réalité.
Avec Sans Abuelo Petite,  Cécile Guivarch continue d’éclairer sa généalogie, comme levant un voile sur ce qui était encore dans la brume. Riche des souvenirs de l’enfant, l’adulte démêle son histoire, ses zones d’ombre et de lumière.

© Hervé Martin d’Igny in revue Europe – N°1065-1066/janvier-février 2018.

Frédérique Germanaud, Atelier du Passage


Dans ce nouveau recueil paru aux Carnets du dessert de Lune, Cécile Guivarch continue de fouiller la matière autobiographique. S’en dégage la figure d’un grand-père absent. Fuyant la guerre d’Espagne, il quitta pays et famille pour trouver refuge à Cuba, abandonnant mère, femme et enfant à naître. Il ne revint jamais.

Le texte s’organise en plusieurs voix : celle, en prose, d’une fillette de neuf ans. Registre des petits déjeuners à confiture, des étés, des vacances en Espagne, de l’accent maternel, de la cuisine grand-maternelle. C’est le bonheur d’une double langue. L’enfant née en France retrouve, le temps des vacances, l’espagnol de ses ancêtres. C’est aussi à cet âge qu’elle apprend que celui qu’elle croyait être son grand-père ne  l’est pas. La douleur est là, mais l’exil cubain s’exprime en inventions et rêves d’îles à Robinson, accompagné peut-être d’un Vendredi.

La deuxième voix est celle de l’adulte. Elle s’adresse à l’inconnu, au disparu. Appelle. Questionne. Exprime le manque. Constate l’impossibilité de rejoindre celui qui fut son grand-père. « Je suis ta petite-fille aux questions ».

Placée en haut de la page et en italique, la voix plus spécifique de la poésie dépasse le champ de l’intime pour atteindre le cœur de la douleur, celle que chacun peut entendre, comprendre et partager.  « Quel monde porter en soi/quand tout est dépaysé ».  « Comment savoir ce qui nous poursuit/et pèse autant ».  Ces poèmes se concluent par un très beau fragment de Tard, bien tard dans la nuit, de Yannis Ritsos, qui fait écho à la voix de Cécile Guivarch : « comment se peut-il qu’on s’habitue à tant de séparations ? » Sans abuelo Petite est l’histoire d’un double abandon : celui d’un pays, l’Espagne, et donc d’une langue ; celui d’un homme, et donc d’un morceau de généalogie, et de mémoire. « Cette mémoire ombilicale en forme de laisse », selon les mots de Françoise Ascal. Cécile Guivarch questionne la filiation, les fondations, nos attachements et ce que c’est que vivre dans une terre, dans une langue qui ne fut pas celle des ancêtres. « D’ici ou de là nous sommes tout aussi bien ».

© Frédérique Germanaud in Atelier du Passage

​
​

Sans Abuelo Petite // Cécile Guivarch

€13.00
Voir les détails

La section commentaire est fermée.

    Réponse à manuscrits

    (Le Blog)


    Les Nouveautés

    Catalogue 2020
    Pour 20€ annuels, recevez 20% sur tout le catalogue !
Ami lecteur, c'est par ici
Ami libraire, toi c'est par là
Encenser l'éditeur
Engueuler le webmaster
Manuscrits